“Je n’ai pas terminé mon dossier au travail, j’y ai pensé toute la soirée et je n’en ai pas dormi de la nuit !”
Avez-vous déjà vécu une situation similaire ?
Tant qu’on ne termine pas ce qu’on a commencé, notre cerveau ne se lasse pas de nous le rappeler.
Définition de l’effet Zeigarnik #
L’effet Zeigarnik correspond au fait de mieux se rappeler une tâche commencée mais qui est encore incomplète, inachevée.
S’engager dans une tâche crée une motivation d’achèvement, qui est insatisfaite lorsque la tâche en question est interrompue.
L’effet Zeigarnik peut être à ce titre mentionné comme un biais cognitif affectant la mémoire, puisque nous aurons tendance à mieux nous souvenir de ce qui n’a pas été réalisé entièrement, plutôt que de ce qui a été fait complètement.
Les origines de l’effet Zeigarnik : l’histoire du serveur à la mémoire infaillible #
Dans les années 1920, le célèbre psychologue germano-américain Kurt Lewin va manger dans un restaurant avec ses collègues. Ils sont tous très étonnés de voir que le serveur chargé de leur grande tablée se rappelle avec précision de chacune de leurs commandes, sans avoir pris de notes.
En rentrant à l’université, une des personnes participant au repas se rend compte qu’il a oublié ses affaires au restaurant, et décide d’y retourner. Lorsqu’il voit le serveur avec l’excellente mémoire, il sait à ce moment qu’il peut compter sur lui, et va retrouver ses affaires oubliées… sauf que le serveur ne se souvient absolument pas du client, ni même de la table sur laquelle ils étaient attablés.
Stupéfait, il interroge le serveur : “comment pouvez-vous oublier cela si vite, alors que vous avez mémorisé parfaitement toutes les commandes ?”.
Ce à quoi le serveur lui répond qu’il ne se souvient de ces dernières que jusqu’au moment où elles sont servies. Aussitôt servies, aussitôt oubliées.
Kurt Lewin et Bljuma Zeigarnik, une de ses étudiantes, poursuivent alors leurs recherches sur le phénomène.
Les travaux de recherche de Lewin et Zeigarnik #
Zeigarnik a donc poursuivi ses recherches, en proposant des expériences afin répondre d’étudier ce phénomène en lien avec la mémorisation.
Contexte de l’expérience #
Zeigarnik donne des problèmes à résoudre aux participants de son étude. Ils sont ensuite interrompus en plein milieu d’une tâche, de façon aléatoire. A la fin de l’expérience, on demande aux participants de noter toutes les tâches qui leur ont été confiées.
Constats #
Les participants se souviennent majoritairement des tâches durant lesquelles ils ont été interrompus. Les résultats sont nettement moins bons pour les autres tâches.
Conclusion #
D’autres études ont également mis en avant ce phénomène, dont le nom “effet Zeigarnik” est resté. On peut donc conclure que l’on se souvient mieux des tâches non terminées. Notons également que nous avons tendance à repenser régulièrement aux tâches qui n’ont pas été terminées.
L’effet Zeigarnik : votre allié productivité ? #
L’effet Zeigarnik peut effectivement être agaçant par moments, car personne n’a envie de penser au travail lorsqu’il partage un bon repas avec sa famille ou ses amis.
Toutefois, il peut s’avérer être un excellent allié pour booster votre productivité. Une stratégie peut être de commencer une tâche. Une fois débutée, si vous êtes sujet à l’effet Zeigarnik, vous allez avoir envie de finir cette tâche le plus rapidement possible pour réduire l’inconfort mental créé par ce biais cognitif. Certaines méthodes d’organisation telles que la méthode Kanban utilisent l’effet zeigarnik de façon positive. En effet, vous avez toujours en vision globale les tâches en cours, vous poussant à les terminer, et vous avez également les tâches réalisées complètement, afin de voir le travail déjà réalisé.
L’effet Zeigarnik : comment l’utiliser pour mieux apprendre et mémoriser ? #
Laisser un travail en suspens va générer une légère frustration qui peut vous permettre de mieux mémoriser, et d’utiliser de façon intéressante l’effet Zeigarnik. Certaines méthodes telles que le pomodoro, qui consiste globalement à alterner 25 minutes de travail et 5 minutes de pause, joue sur cet effet Zeigarnik. Au bout de 25 minutes, un réveil sonne, et vous interrompez immédiatement ce que vous étiez en train de faire. Cela permet aussi d’utiliser d’autres lois de productivité telles que la loi de Parkinson : selon cette loi, le travail s’étale de manière à occuper tout le temps disponible pour son achèvement. Cela permet donc de réaliser un grand nombre de tâches durant le temps imparti, et de bénéficier d’une période d’attention et de concentration optimale (loi d’Illich)
L’effet Zeigarnik : quelle utilité en thérapie ? #
L’une des utilités de cet effet Zeigarnik peut être au niveau de la prescription de tâches, en thérapie ou en coaching. En effet, en demandant à un de vos clients de ranger une pièce de la maison, il est probable qu’il finisse par ranger rapidement toute la maison. Idem pour un client qui a du mal à se mettre au sport, vous pouvez lui demander de réaliser le plus petit possible : à savoir par exemple 5 pompes. Sur sa lancée, il est possible et même très probable qu’il poursuive ses efforts. C’est ce que l’auteur Bryan Tracy appelle métaphoriquement « avaler le crapaud”, dans son ouvrage “Eat the frog” : en commençant par la tâche la plus indigeste, la plus difficile ou la plus complexe, alors vous profitez de l’effet Zeigarnik pour poursuivre cette tâche délicate.
Vous pouvez aussi devoir lutter contre cet effet en thérapie, avec un client qui ne se rappelle que de ce qu’il n’a pas fait, mal fait, ou pas fini, et qui se laisserait embarquer consciemment ou inconsciemment dans un biais de pessimisme.