Une démarche vers un renouveau identitaire
Michael-White-and-David-EpsL’approche narrative de Michael White et David Epston, considère que l’identité de l’individu est construite par ses relations et les histoires racontées à son propos. Elle propose une déconstruction des relations de pouvoir dans lesquelles l’individu se sent isolé et enfermé face à son problème, puis la reconstruction d’histoires alternatives dans lesquelles les individus retrouvent une relation avec leurs rêves et leurs aspirations. Un des grands points forts de l’approche narrative est de savoir guider l’individu dans la recherche et la reconnection avec ses ressources cachées, celles qui n’ont pas été prises en compte au regard de leur histoire « dominante ». Le dernier ouvrage de Michael White « Cartes des pratiques narratives » est considéré par Julien Betbèze, psychiatre des hôpitaux et chef de service d’Accueil Familial Thérapeutique de Loire, comme « l’un des plus grands livres de thérapie parus depuis le début des thérapies brèves, il permet de comprendre de l’intérieur le génie créatif de Michael White, sa générosité, son engagement à déconstruire les
effets négatifs des histoires dominantes, son respect absolu de tous les hommes »
Institut Repère propose aux professionnels de l’accompagnement au changement, une formation de 4 jours sur l’approche Narrative : « Accompagner avec l’approche narrative ».
Les sources de l’approche narrative
Michael White et David Epston, les co-créateurs de l’approche Narrative
La thérapie narrative a été développée par deux psychologues australiens, Michael White et son collègue et ami David Epston. L’histoire retient avant tout Michael White comme le fondateur de la thérapie narrative.
Michael White Approches-narrativesMichael White, né le 29 décembre 1948 à Adelaide et décédé le 4 avril 2008 à San Diego USA, est Diplômé de l’Université d’Australie du Sud en 1979. Il a débuté sa profession comme travailleur social auprès des communautés aborigènes qu’il allait rencontrer en pilotant son avion. Sa ligne de conduite a été marquée par la générosité, l’écoute et le respect absolu des différences. Michael White a été le co-directeur du Dulwich Centre à Adelaide ou il pratiquait la thérapie familiale. En 2008, peu de temps avant sa mort, il fonde avec Maggie Carey, Rob Hall le « Narrative Practices Adelaide. www.narrativepractices.com.au. Ce centre de thérapie narrative et de formation va intégrer de nouveaux intervenants, acquérir une vocation internationale, perpétuer et développer le travail de Michael White. Si la thérapie narrative est pratiquée depuis le début des années 1980, c’est la publication de l’ouvrage « Narratives Means to Therapeutic Ends » en 1990 qui la fait connaître mondialement.
david-epston-approche-narraDavid Epston, né en 1944 à Peterborough au Canada. Diplômé en Sociologie et Anthropologie de l’Université d’Aukland, en développement communautaire par la Edinburgh University in 1971, et en Eudes Sociales Apppliquées par la Warwick University en 1976 en Angleterre. David Epston a comme Michael White commencé sa carrière comme travailleur social à l’hôpital d’Auckland. Il a été le co-directeur du centre de thérapie familiale d’Auckland en Nouvelle-Zélande, et professeur invité à la John F. Kennedy University en californie. En parcourant le monde pour interviewer des jeunes femmes souffrant de troubles alimentaires, il a découvert que les descriptions du problème par des femmes de cultures différentes demeuraient identiques. Les travaux de David Epston ont été récompensés en 1996 par la Graduate School of Professional Psychology, John F. Kennedy University, en Califormie.
Les concepts de base de la thérapie narrative
« L’inspiration pour l’approche narrative provient de l’insuffisance croissante des techniques utilisées en thérapie familiale durant les années 1970 et 1980. » ; Michael White et David Epston « voulaient développer une approche thérapeutique reconnaissant la vie de chaque personne comme une histoire en progression pouvant être considérée selon diverses perspectives et pouvant avoir une multitude de résultats. « Les histoires des clients sont vues comme des mécanismes à travers lesquels ils communiquent leur vie à un conseiller qui lui -même est de part influencé par le processus. » (Freedman & Combs, 1996). Dans « Narratives Means to Therapeutic Ends » publié en 1990, Michael White et David Epston décrivent les objectifs de la thérapie narrative avec les principes suivants
a) le client décrit le problème (son scénario dominant),
b) le client est encouragé à adopter des perspectives alternatives à travers la déconstruction des récits actuels,
c) le thérapeute aide le client à créer des récits plus utiles et plus satisfaisants.
Les sources théoriques de l’approche narrative
Michael White s’est formé dans les années 1980 au Centre de Thérapie Brève de Palo Alto. Il reconnaissait également les influences suivantes :
• G. Bateson et son concept de « double description » : si le problème a de l’influence sur la personne, la personne ou la famille exerce également une influence sur la vie du problème;
• Le modèle de Palo Alto sur la déconstruction des problèmes à partir du blocage des tentatives de solutions
• Jacques Dérida, Michel Foucault, Pierre Bourdieux, philosophes de la déconstruction
• Gilles Deleuze et sa suggestion d’aborder les problèmes comme des « multiplicités dispersées »
• Jérôme Bruner pour qui le sens des choses ne se construit pas dans le cerveau mais est donné par la culture
• Barbara Myerhoff pour qui l’identité est une construction sociale au sein d’une communauté d’appartenance.
• Lev Vygotski, créateur du concept de « zone proximale de développement », et pour qui les interactions sociales sont primordiales dans un apprentissage. L’apprentissage est favorisé par l’étayage (une relation de protection).
Les champs d’applications de l’approche narrative
La thérapie narrative de Michael White et David Epston a été appliquée, à ses débuts, au champ de la thérapie familiale pour s’étendre par la suite au traitement des traumatismes, des désordres alimentaires (anorexie/boulimie), de la schizophrénie, des dépendances, du deuil, de la violence conjugale. Michael White est également connu pour son travail auprès de diverses communautés (aborigènes de la Nouvelle Galles du Sud, rescapés du Rwanda, conflit des Trois-Nations à Toronto…).
La thérapie narrative deviendra par la suite « Pratiques narratives » ou « Approches narratives » au fur et à mesure de son investissement dans de nouveaux champs d’action tels que le coaching en entreprise, le travail social, l’éducation, la thérapie individuelle et familiale et de nombreux métiers liés à l’accompagnement.
Les principes clé de l’approche narrative
Une conception narrative de la vie
La vie doit donc être considérée avant tout du point de vue de celui qui en fait le récit. Les « réalités » sont construites socialement à partir des modes habituels d’interaction, d’alimentation, de logement, de transport, d’éducation. Au fil du temps les individus finissent par oublier que ce qu’ils perçoivent de leur « réalité » n’est que le fruit des constructions mentales de leur communauté. Ces constructions deviennent des histoires qui véhiculent des normes et des dogmes (valeurs et croyances, coutumes, institutions, règles et lois) et qui exercent un pouvoir ou contrôle socio-culturel invisible.
Une conception narrative de l’identité
L’identité d’une personne n’est pas le résultat d’un compte-rendu descriptif des événements qui ont marqué sa vie. L’identité se construit plutôt à partir des histoires racontées à son propos, donc à partir des relations avec les autres. Ce sont les récits à propos de leurs expériences et validés par les autres qui donnent forme à l’identité. Une personne qui est perçue comme agressive, anxieuse, timide…etc, peut se conformer à une histoire qui l’enferme dans ses identités. La compréhension de l’influence restrictive de ces histoires dites dominantes car elles limitent les choix de l’individu, permet d’en modifier certains aspects et d’en construire de nouvelles plus aidantes
L’externalisation du problème
Le client est invité à considérer son problème/symptôme comme extérieur à lui, donc de s’en dissocier. Les questions de l’intervenant ne portent donc pas sur la personne mais sur le problème (non pas la personne anxieuse, mais l’anxiété). La personne n’est pas le problème. L’extériorisation du problème permet de dissocier l’identité de la personne de l’histoire qui véhicule le problème, de responsabiliser le sujet sur ses propres solutions, et de percevoir des solutions alternatives non encore sollicitées.
L’expertise du client au cœur de la relation
La démarche narrative intègre les approches collaboratives qui considèrent que “le client est celui qui sait”. Les personnes qui ont une demande de changement sont considérées comme les auteurs et experts de leur propre vie. Ayant écrit leur propre histoire, ils sont capables d’en écrire d’autres, porteuses de solutions, de compétences et ressources à mettre en œuvre pour résoudre le problème des histoires précédentes.
Une approche collaborative de la conversation narrative
La collaboration entre praticien et client va s’engager comme une conversation bienveillante, respectueuse, ni culpabilisante, ni normalisante ou pathologisante, et qui place la personne au centre de la relation. Si le client est au centre, le praticien est décentré, se situant dans une attitude de non-savoir, de curiosité et de perplexité. Le praticien des approches narratives travaille dans le cadre de référence du client sans essayer de le modifier. Des techniques spécifiques de conversation dirigent l’attention sur les « exceptions » c’est-à-dire les compétences utilisées par les personnes et les groupes lorsqu’ils ne sont pas confrontés au problème. Guidée par des cartes, les situations vont être abordées avec des angles multiples et des niveaux différents. La conversation narrative va inviter le client à explorer des territoires inconnus, à la recherche des clés d’une nouvelle histoire à écrire, une histoire qui reconnecte la personne avec ses profondes aspirations, ses valeurs et ses rêves, une histoire qui libère au lieu d’enfermer.
Une méthodologie d’intervention issue des théories de l’apprentissage
Le développement d’un individu dépend des conditions de l’apprentissage. Ce dernier est favorisé par un sentiment de protection, qui lui-même permet l’accès à une conscience des émotions subtiles, des intentions, des valeurs et des principes de vie.
Le public des formations aux approches narratives
Les professionnels de la relation d’aide et de l’accompagnement : coachs, consultants, formateurs, travailleurs sociaux et éducateurs, conseillers conjugaux, médiateurs, psychologues et psychothérapeutes, professionnels de santé.
Les approches narratives en France
La thérapie narrative fait son apparition en France en 2004 à l’initiative de Mediat-Coaching qui a fait venir Michael White en France entre 2004 et 2007. La Fabrique Narrative de Pierre Blanc-Sahnoun a également contribué a faire connaitre l’Approche Narrative en France. Le psychiatre Julien Betbèze (*) est devenu l’un des principaux transmetteurs de l’Approche Narrative en France auprès des professions de santé et des psychothérapeutes. Dans la revue Hypnose & Thérapies Brèves N° 16, février-mars-avril 2010, pp. 60-65., Julien Betbèze rend un bel hommage à Michael White et à son travail.
(*) Julien Betbèze est Psychiatre des Hôpitaux, chef de service du Service d’Accueil Familial Thérapeutique de Loire Atlantique, membre de l’AREPTA (Institut Milton Erickson de Nantes), formateur et conférencier en hypnose, thérapie brève et familiale, EMDR -HTSMA, chargé de cours universitaires dans le DES de psychiatrie et en Formation Médicale Continue. Co-auteur, avec Yves Doutrelugne, Olivier Cottencin de Thérapie brèves : principes et outils pratiques, aux éditions Elsevier
La PNL et les approches narratives
La PNL et l’Approche Narrative partagent de nombreux présupposés communs sur le fonctionnement du psychisme humain et l’accompagnement du changement. Par exemple, quelques présupposés de la PNL
La carte n’est pas le territoire
Chaque personne possède sa propre carte ou sa propre perception de la réalité et réagit en fonction de cette-ci. Aucune carte individuelle n’est plus « vraie » ou plus « réelle » qu’une autre. Les cartes les plus « sages » sont celles qui offrent le plus grand nombre de choix et non pas celles qui sont les plus « réelles » ou les plus « justes ».
Les individus ont déjà (ou potentiellement) toutes les ressources dont ils ont besoin pour agir efficacement, et font les meilleurs choix possibles parmi ceux qu’ils perçoivent comme disponibles dans leur modèle du monde. Le changement vient de la libération de la ressource appropriée, ou de l’activation d’une ressource potentielle, dans un contexte particulier, enrichissant ainsi la carte du monde de la personne.
Le corps et « l’esprit » sont des Processus Systémiques
Les processus intra ou inter individuels dans un environnement sont systémiques. Les individus, les sociétés et notre univers constituent un système et des sous-systèmes écologiques, tous en interaction les uns avec les autres et qui s’influencent mutuellement. II est impossible d’isoler totalement une partie du système du reste du système. Les gens ne peuvent pas ne pas s’influencer mutuellement. Les interactions entre les individus forment des boucles de feedback – de sorte que l’individu sera affecté par les résultats de ses propres actions sur les autres. Les systèmes « s’auto organisent » et cherchent naturellement des états d’équilibre et de stabilité. II n’existe pas d’échecs – seulement des feedback. Le sens donné à une expérience ou un comportement dépend du contexte dans lequel ils sont apparus. Tout comportement ou expérience peut servir de ressource ou de limitation selon sa manière de s’insérer dans le système global.
Tout comportement a ou a eu une « intention positive », c’est-à-dire fait sens pour la personne qui le met en oeuvre. La personne a fait le meilleur choix comportemental compte tenu du contexte dans lequel il s’est produit. II est plus facile et plus productif de répondre à l’intention plutôt qu’à l’expression d’un comportement problématique.
Les apports de l’approche narrative à la PNL
Les notions PNL de séparation des modèles du monde et de rapport, permettent de faciliter la mise en pratique des notions de « décentrage » et « d’étayage »
Les « cartes » de l’approche narrative apportent des guides de questionnement. Ces derniers trouvent leur pertinence et démontrent leur efficacité chaque fois que l’on cherche à se connecter à soi et à son potentiel multiniveaux de ressources (identité, valeurs, ressources, capacités, comportements).