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Histoire et origines de l’hypnose

Tony Mikic,  3 octobre 2023 (date de mise à jour) 

Introduction

L’histoire de l’hypnose est marquée par plusieurs grandes époques qui ont contribué à son développement et à sa reconnaissance. L’hypnose actuelle puise ses origines dans plusieurs époques, et plusieurs lieux. 

  1. L’hypnose de l’époque “pré-scientifique” : Cette période remonte aux temps anciens, où l’hypnose était pratiquée sous différentes formes à des fins rituelles ou thérapeutiques. Des pratiques similaires à l’hypnose étaient présentes dans les civilisations égyptiennes, grecques et romaines, ainsi que dans certaines traditions chamaniques.
  2. L’hypnose de l’époque du magnétisme animal : Cette époque s’étend du 18e siècle au début du 19e siècle. Elle est marquée par les travaux de Franz Anton Mesmer, un médecin autrichien, qui a développé la théorie du magnétisme animal et l’a utilisée pour induire des états de transe chez ses patients.
  3. L’hypnose au temps de la suggestion : Au milieu du 19e siècle, l’hypnose a été progressivement associée à la suggestion. Des médecins tels que James Braid en Angleterre et Hippolyte Bernheim en France ont développé des approches basées sur l’utilisation de suggestions verbales pour induire l’état hypnotique et effectuer des interventions thérapeutiques.
  4. L’hypnose à l’époque de la psychothérapie : Au 20e siècle, l’hypnose a été intégrée dans la pratique de la psychothérapie. Des figures comme Sigmund Freud, fondateur de la psychanalyse, ont utilisé l’hypnose dans leurs travaux sur l’inconscient et le traitement des troubles mentaux.
  5. L’hypnose de l’époque moderne : Depuis les années 1950, l’hypnose a connu une évolution majeure avec l’émergence de nouvelles approches et techniques. Des praticiens tels que Milton H. Erickson ont développé des approches innovantes de l’hypnose, basées sur la communication indirecte et l’utilisation de métaphores.
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L’hypnose et l’époque pré-scientifique 

L’hypnose dans les civilisations antiques

Les pratiques hypnotiques dans l’Égypte ancienne

Les temples de guérison : l’exemple du temple d’Imhotep

Certaines “traces” de l’hypnose remontent à plus de 5 000 ans, à l’époque de l’Ancien Empire de l’Égypte. Le temple d’Imhotep, dans l’ancienne ville de Saqqarah était un centre de guérison important à la fin du IIIe siècle avant notre ère.

Parmi ses pratiques, on trouvait une tradition appelée « sommeil du temple ». Les personnes malades se rendaient au temple à la recherche d’une guérison accordée par les dieux.

Après de longs rituels impliquant l’ingestion d’herbes et des heures de récitation rythmique de prières, l’individu était conduit dans une chambre spéciale obscurcie pour dormir et attendre un rêve révélant une guérison.

L’hypnose pour dialoguer avec les Dieux Égyptiens

Les prêtres égyptiens utilisaient des techniques d’hypnose lors de certains rituels religieux. Ils croyaient en l’existence d’un état modifié de conscience dans lequel ils pouvaient entrer et communiquer avec les dieux. Ils utilisaient des incantations, des gestes rituels et des objets symboliques pour induire cet état hypnotique.

L’hypnose : le secret de Ramsès II pour motiver ses troupes de guerriers ?

Une des plus anciennes mentions de l’hypnose remonte à plus de 3000 ans. Une stèle découverte en Égypte, à Louxor plus précisément, par Musès en 1972 contient la première description d’une utilisation très spécifique de l’hypnose. 

Cette stèle, datant de l’époque de Ramsès II, nous raconte comment le pharaon utilisait l’hypnose pour stimuler et motiver ses soldats avant de se rendre au combat. Cette pratique témoigne de la reconnaissance ancienne de l’influence de l’hypnose sur l’état mental et l’engagement des individus, même dans des contextes aussi exigeants que la guerre.

On retrouve aussi des mentions de l’état d’hypnose sur des papyrus spécifiques comme les papyrus d’Ebers et d’Edwin Smith.

 D’autres mentions de l’hypnose ont été retrouvées sur l’une des façades intérieures du temple de Ramsès III. 

L’hypnose en Grèce Antique

Hypnose et Asclépios, dieu de la médecine

Dans la Grèce antique, l’hypnose était associée au dieu de la médecine, Asclépios. Les temples d’Asclépios étaient réputés pour leurs méthodes de guérison, qui comprenaient l’utilisation de rêves prophétiques induits par l’hypnose.

L’hypnose, une technique utilisée par les prêtres Grecs

Dans ces temples, les prêtres et les prêtresses utilisaient des techniques telles que la récitation de prières, la musique apaisante, la danse et la suggestion pour induire un état de transe chez les patients. Une fois plongés dans cet état, les patients étaient réceptifs aux suggestions thérapeutiques et aux rêves guérisseurs. Les prêtres interprétaient ensuite ces rêves pour fournir des conseils et des traitements adaptés.

L’hypnose était considérée comme un moyen puissant de guérison et de transformation dans la Grèce antique. Elle était utilisée pour traiter une variété de problèmes de santé physique et mentale, allant des affections physiques aux troubles psychologiques. Les pratiques de transe et d’hypnose étaient considérées comme des voies vers la sagesse divine et la guérison spirituelle.

Ainsi, l’hypnose a joué un rôle significatif dans la culture et la médecine de la Grèce antique, offrant aux individus une approche holistique de la guérison qui prenait en compte à la fois l’esprit et le corps. Ces pratiques anciennes témoignent de la longue histoire de l’hypnose en tant qu’outil thérapeutique et de son lien profond avec la compréhension de soi et de la nature humaine.

Socrate et l’utilisation du terpnos logos

Il y a 2450 ans, Socrate a avancé l’idée selon laquelle parler aux gens d’une voix agréable, basse appelée « terpnos logos », pouvait les mettre dans un état de réceptivité et d’ouverture d’esprit. Ce principe a été repris ultérieurement tant en hypnose classique qu’en sophrologie.

Platon décrivait également le terpnos logos comme une voix douce, assez monocorde et persuasive, avec pour objectif que le sujet s’approprie et accepte la suggestion.

L’hypnose durant la Rome Antique

Les temples d’Esculade, dieu de la Guérison

Les temples de sommeil d’Esculape, le dieu de la guérison, étaient célèbres dans tout Rome. Il s’agit de l’équivalent des temples d’Asclépios chez les Grecs.

Les personnes en quête de guérison venaient dans ces temples pour participer à des rituels et à des pratiques de sommeil qui favorisaient des rêves prophétiques et des guérisons miraculeuses.

L’hypnose comme technique oratoire 

Les grands orateurs Romains utilisaient d’ailleurs, consciemment ou inconsciemment, des techniques d’hypnose afin de convaincre la plèbe et d’envoûter les foules.

L’hypnose en Inde ancienne

Sammohana

L’hypnose dans l’ancienne Inde est connue sous le nom de « Sammohana » et faisait partie du Yoga Vidya (la science du yoga). Elle était pratiquée en Inde depuis l’époque védique. De nombreux yogis et sages pratiquaient l’auto-hypnose pendant la méditation pour apaiser leur esprit. 

Pran vidya ou Trikaal vidya

L’hypnose était également connue sous les noms de « Pran vidya » ou « Trikaal vidya » et était à son apogée pendant l’ère aryenne (vers 1500-500 avant J.-C.). Des preuves de l’utilisation du Sammohana se trouvent dans des textes anciens tels que le Bhagavat Purana, dans lequel le Seigneur Vishnu, sous son avatar de Mohini, illusionne les asuras (démons) pour obtenir l’amrit kumbh (pot de nectar) et le donne aux devas (dieux) (Swami Prabhupada, 1999). 

D’ailleurs, même l’Atharvaveda, l’un des quatre textes sacrés principaux de l’hindouisme, fait référence à l’hypnose et aux suggestions, par exemple : « Te touchant avec ces deux mains et ces dix doigts, par mon discours influent, je te parle, mots éloignant la maladie. Par cela, tu retrouveras la santé et toutes tes maladies disparaîtront » (Atharvaveda 4:13:7) (Max-Muller et Bloomfield, 2004).

Mohana

Le Seigneur Krishna est également connu sous le nom de Mohana, ce qui signifie celui qui hypnotise ou enchante les autres. On dit qu’il jouait des mélodies envoûtantes sur sa flûte, ce qui attirait autour de lui toutes les femmes et les gopis (vachères) de Vrindavan, le lieu où il a passé son enfance (Swami Prabhupada, 1999).

Bhagavad Gita

Le Bhagavad Gita est un texte sacré de l’hindouisme, comprenant 18 chapitres et 700 versets, et fait partie de l’épopée sanskrite ancienne du Mahabharata. Ce texte contient une conversation entre le prince Pandava Arjuna et le Seigneur Krishna sur diverses questions philosophiques. Confronté à une guerre fratricide, sur le champ de bataille, Arjuna refuse de combattre et se tourne impuissant vers son cocher, le Seigneur Krishna, pour obtenir des conseils. Dans une telle situation, il était nécessaire de stimuler Arjuna pour qu’il entre en guerre. Comme écrit dans le Bhagavad Gita, le Seigneur Krishna transmet non seulement des connaissances spirituelles à Arjuna, mais parvient également rapidement à le convaincre de poursuivre la guerre (Swami Prabhupada, 1983). En lisant le Bhagavad Gita, on peut trouver des références qui suggèrent l’utilisation de l’hypnothérapie (à l’aide de l’hypnose éveillée moderne).

L’influence des rituels chamaniques sur l’hypnose

Hypnose et rites en Afrique

En Afrique, il existe différentes traditions et pratiques qui peuvent être rapprochées de l’hypnose. 

Par exemple, dans certaines cultures, des guérisseurs traditionnels ou des chamans utilisent des méthodes de suggestion verbale, de chants, de danses et de rythmes pour créer un état de transe chez les individus. 

Ces états de transe sont considérés comme des moyens de communiquer avec les esprits, d’accéder à des connaissances profondes ou de guérir des maladies.

Dans certaines régions d’Afrique, on retrouve également des pratiques similaires à l’hypnose dans les rites de passage. 

Par exemple, lors de cérémonies d’initiation, des techniques sont utilisées pour créer un état d’altération de la conscience chez les participants, leur permettant ainsi de transcender leur état habituel et d’acquérir de nouvelles connaissances ou de renforcer leur identité culturelle.

Hypnose et rites en Amérique

En ce qui concerne l’Amérique, il n’y a pas de preuves historiques solides suggérant que l’hypnose en tant que discipline distincte était pratiquée dans les cultures autochtones de l’époque ancienne.

Cependant, il existe des exemples de pratiques similaires dans certaines cultures autochtones d’Amérique, qui utilisaient des techniques pour influencer l’esprit et induire des états modifiés de conscience. 

Par exemple, parmi les peuples amérindiens, certains groupes utilisaient des rituels et des cérémonies qui impliquaient des danses, des chants, des tambours et des substances hallucinogènes pour accéder à des états de transe. Ces états de transe étaient souvent considérés comme des moyens de communiquer avec les esprits, de recevoir des visions ou de guérir des maladies.

Ces pratiques autochtones étaient profondément enracinées dans leurs croyances spirituelles et étaient spécifiques à chaque culture et région. Elles différaient donc des techniques et des méthodes spécifiques utilisées dans l’hypnose moderne.

De nos jours, l’hypnose est pratiquée dans différents pays d’Amérique, mais ces pratiques sont principalement basées sur les approches occidentales contemporaines de l’hypnose plutôt que sur les traditions autochtones anciennes.

La place de l’hypnose dans les différentes religions

L’hypnose en tant que pratique spécifique n’est pas directement liée aux grandes religions du monde, car elle est davantage associée à des approches thérapeutiques et psychologiques modernes. 

Cependant, il existe des pratiques et des rituels dans certaines religions qui peuvent être considérés comme étant similaires à certains aspects de l’hypnose.

Dans certaines traditions spirituelles et religieuses, on retrouve des techniques de méditation, de prière répétitive ou de chants répétitifs qui peuvent induire un état de concentration profonde et de transe plus ou moins approfondis. 

Ces états modifiés de conscience peuvent permettre aux pratiquants d’atteindre une connexion spirituelle plus profonde, d’explorer leur subconscient ou de recevoir des révélations spirituelles.

Par exemple, dans certaines branches du bouddhisme et de l’hindouisme, la méditation est utilisée pour atteindre des états de tranquillité mentale et de conscience élargie. Ces états peuvent favoriser la relaxation, la clarté mentale et la connexion spirituelle.

Dans certaines pratiques soufies de l’islam, le dhikr, qui est la répétition récitative des noms de Dieu, est utilisé comme moyen de concentration et de dévotion, créant un état d’absorption profonde et de conscience élevée.

De plus, certaines formes de prière répétitives dans le christianisme, comme le chapelet ou la récitation du rosaire, peuvent également induire un état de concentration et de tranquillité qui peut être comparé à un état de transe légère.

On peut aussi évoquer Joseph Gassner, célèbre prêtre exorciste, qui effectue des inductions verbales pour ensuite chasser les démons responsables de la maladie des patients (démons qui se manifestent par les mêmes agitations et modifications du niveau de conscience, et qui fut quelques années plus tard appelés “hystérie”). 

Evidemment, ces pratiques religieuses et spirituelles ont leurs propres finalités et significations, qui diffèrent de celles de l’hypnose thérapeutique. 

On peut toutefois affirmer qu’il existe des parallèles entre certaines pratiques d’hypnose et certaines pratiques religieuses, notamment en ce qui concerne l’utilisation de techniques telles que les chants, les répétitions de mots et le langage flou.

  • Chants et répétitions de mots : Dans de nombreuses traditions religieuses, les chants et les répétitions de mots sacrés sont utilisés pour induire un état de concentration profonde et de transe légère. Par exemple, les mantras dans l’hindouisme et le bouddhisme, les chants soufis dans l’islam, ou encore les chants grégoriens dans le christianisme. Ces pratiques répétitives et rythmiques peuvent aider à calmer l’esprit, à induire la relaxation et à favoriser un état de conscience altéré.
  • Langage flou : Tant dans certaines pratiques d’hypnose que dans certaines pratiques religieuses, l’utilisation d’un langage flou ou ambigu peut être efficace pour induire un état de transe et faciliter l’accès à l’inconscient. Le langage flou permet de contourner la pensée analytique et de créer une ouverture à l’imagination et à l’expérience subjective.
  • Rituels et symbolisme : Les pratiques religieuses et les techniques d’hypnose peuvent également faire appel à des rituels et à des symboles pour faciliter l’induction de l’état souhaité. Les rituels religieux, tels que l’utilisation d’encens, de vêtements spéciaux, de gestes symboliques, peuvent aider à créer un environnement propice à l’expérience sacrée. De même, en hypnose, l’utilisation de certains rituels ou symboles peut aider à créer une atmosphère de sécurité, de concentration et de suggestion.

Les figures historiques associées à l’hypnose médiévale et renaissante

L’hypnose telle que nous la connaissons aujourd’hui n’a pas émergé en tant que pratique distincte au Moyen Âge ou à la Renaissance. Cependant, il y a eu des figures historiques associées à des pratiques ou à des phénomènes qui peuvent être rapprochés de l’hypnose.

Avicenne (980-1037)

Avicenne, également connu sous le nom d’Ibn Sina, était un éminent médecin et philosophe perse du Xe siècle. Bien qu’il n’ait pas directement traité de l’hypnose, ses écrits et ses idées ont influencé le domaine médical, y compris la compréhension de l’esprit et du pouvoir de suggestion. Dans ses travaux, Avicenne a exploré les concepts de la suggestion et de l’influence de l’esprit sur le corps, préfigurant ainsi certains principes fondamentaux de l’hypnose. Ses études sur l’esprit et la psychologie ont jeté les bases de l’hypnose en mettant en évidence l’importance de l’interaction entre l’esprit et le corps dans le processus de guérison.

Paracelse (1493-1541)

Paracelse, également connu sous le nom de Philippus Aureolus Theophrastus Bombastus von Hohenheim, était un médecin, alchimiste et occultiste suisse. Il a étudié et expérimenté diverses techniques de guérison, y compris l’utilisation de l’hypnose ou de l’état de transe pour faciliter la guérison des patients.

Johann Weyer (1515-1588)

Johann Weyer était un médecin et occultiste allemand, considéré comme l’un des premiers critiques des procès de sorcellerie et de la chasse aux sorcières. Il a remis en question les croyances populaires sur la magie et les possessions démoniaques, suggérant que de nombreux cas pouvaient être expliqués par des phénomènes naturels, y compris des états altérés de conscience.

Valentine Greatrakes (1628-1682)

Valentine Greatrakes, également connu sous le nom de « The Greatrakes the Stroker », était un guérisseur irlandais qui prétendait guérir les maladies par des passes magnétiques et des contacts physiques. Ses pratiques ont été associées à des phénomènes similaires à l’hypnose, avec des effets thérapeutiques attribués à l’influence de son énergie vitale.

Hypnose et philosophie

Hypnose et Plantonisme

Dans le platonisme, l’accès à la connaissance véritable est obtenu par la contemplation des Idées et la réflexion. De manière similaire, l’hypnose peut faciliter l’accès à des connaissances profondes en induisant des états modifiés de conscience où l’esprit est plus ouvert à l’intuition et à l’exploration intérieure.

Hypnose et Stoïcisme

Le stoïcisme se base sur la maîtrise de soi et l’acceptation des choses sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle. L’hypnose peut aider les individus à développer cette maîtrise de soi en les guidant vers des états de relaxation, de calme mental et d’acceptation, leur permettant ainsi de faire face aux défis et aux émotions avec une attitude stoïque. En thérapies brèves, l’accent est également mis sur les éléments sur lesquels le sujet a du pouvoir, et pas ceux sur lesquels il n’a pas de prise.

Hypnose et existentialisme

L’existentialisme met l’accent sur la liberté individuelle, la responsabilité et la quête de sens dans un monde absurde. L’hypnose peut être utilisée pour explorer les questions existentielles profondes, aider à clarifier les valeurs personnelles, à identifier les aspirations et à faciliter la recherche de sens et d’authenticité dans la vie.

Hypnose et empirisme

L’empirisme soutient que l’expérience est la source de connaissance la plus fiable. Dans l’hypnose, les expériences vécues pendant un état modifié de conscience peuvent fournir des informations précieuses sur soi-même, ses comportements, ses pensées et ses émotions, en se basant sur des observations internes.

Hypnose et rationalisme

Le rationalisme accorde une importance primordiale à la raison et à la réflexion logique pour accéder à la vérité. Dans l’hypnose, la suggestion et le raisonnement peuvent être utilisés pour influencer l’esprit et faciliter des changements de pensées, de comportements ou d’émotions, en utilisant la logique et la rationalité pour renforcer les processus de transformation.

Hypnose et hédonisme

L’hédonisme prône la recherche du plaisir et l’évitement de la douleur. Dans le contexte de l’hypnose, certaines approches thérapeutiques peuvent viser à soulager leurs souffrances, leurs douleurs.

Hypnose et essentialisme

L’hypnose n’est pas directement associée à l’essentialisme, qui est une approche philosophique liée à la notion d’essence et de nature essentielle des choses. L’essentialisme soutient que les objets et les entités ont une essence immuable et fixe qui détermine leur identité et leurs caractéristiques fondamentales.

Cependant, il est possible de faire un lien indirect entre l’hypnose et l’essentialisme en considérant l’aspect de l’identité et de la connaissance de soi. L’hypnose peut être utilisée pour explorer les aspects profonds et essentiels de l’identité, en encourageant les individus à se connecter à leur moi intérieur, à découvrir leurs valeurs fondamentales et à développer une compréhension plus profonde d’eux-mêmes.

Le premier “Inconscient” de Leibniz

Gottfried Wilhelm Leibniz, philosophe et mathématicien allemand du XVIIe siècle, soutenait que l’esprit humain était composé d’une multitude de petites unités, appelées monades, qui étaient des entités conscientes et immatérielles. Il croyait également en l’existence d’une partie de l’esprit, qu’il appelait « l’automate », qui fonctionnait de manière inconsciente et suivait des lois préétablies.

Selon Leibniz, l’automate était responsable des processus mentaux automatiques et inconscients qui se produisaient en nous, tels que les réflexes, les habitudes et les réactions involontaires. Il considérait que ces processus étaient exécutés par l’automate sans que nous en soyons conscients.

Pour Leibniz de souligner que l’automate ne déterminait pas entièrement nos actions et nos pensées. Il affirmait que l’automate était en interaction constante avec notre partie consciente, les monades, et qu’il était également soumis à leur influence.

Cette notion d’automate de Leibniz présente des similitudes avec des concepts ultérieurs tels que l’inconscient freudien. Sigmund Freud, le célèbre psychanalyste du XXe siècle, a également soutenu l’existence d’une partie de l’esprit inconscient qui influençait nos pensées et nos comportements de manière invisible.

Hypnose et idéalisme (Berkeley)

L’idéalisme de George Berkeley soutient que la réalité est perçue par l’esprit et que l’expérience individuelle est au cœur de notre compréhension du monde. De manière similaire, l’hypnose implique une focalisation de l’attention et une immersion dans l’expérience subjective, où la perception de la réalité peut être modifiée ou amplifiée.

Dualisme de Descartes et lien avec l’hypnose

René Descartes a proposé une vision du dualisme, affirmant que l’esprit et le corps étaient deux substances distinctes. L’hypnose peut être considérée comme un état où la conscience est dissociée du corps physique, où l’esprit est détaché des sensations corporelles, et où il est possible d’explorer l’inconscient et d’accéder à des ressources mentales profondes. On parle en hypnose de dissociation. 

Hypnose et phénoménologie de Husserl

La phénoménologie de Edmund Husserl met l’accent sur l’expérience subjective et la description précise des phénomènes tels qu’ils sont vécus. L’hypnose peut être étudiée et analysée à travers une approche phénoménologique, en examinant les expériences et les perceptions subjectives des personnes hypnotisées.

Hypnose et pragmatisme de William James

Le pragmatisme de William James se concentre sur les expériences pratiques et l’efficacité des concepts et des idées. L’hypnose peut être évaluée à travers une perspective pragmatique, en considérant son utilité et son impact sur le bien-être et le changement des individus.

L’hypnose et l’époque du magnétisme animal

Les travaux de Franz Anton Mesmer et le magnétisme animal

L’hypnose est étroitement liée à l’époque du magnétisme animal, une période marquée par les travaux et les pratiques de Franz Anton Mesmer et de ses disciples. 

Le magnétisme animal était une théorie qui postulait l’existence d’un fluide magnétique universel pouvant être canalisé pour guérir les maladies et induire des états modifiés de conscience.

Mesmer, médecin Viennois venu à Paris à la fin du 18ème siècle, considéré comme le père du magnétisme animal, utilisait des techniques de suggestion, de passes magnétiques et de manipulation des énergies pour influencer l’état de ses patients. Il organisait des séances collectives, connues sous le nom de « baquets », où les participants étaient placés dans un état de relaxation profonde et de transe hypnotique.

Les baquets de Mesmer

Les « baquets » de Mesmer étaient des dispositifs utilisés lors des séances de magnétisme animal. Ces baquets étaient de grands récipients remplis d’eau, dans lesquels les participants étaient invités à plonger leurs mains, leurs pieds ou à s’asseoir autour, créant ainsi un contact physique avec le fluide magnétique supposé circuler à travers l’eau.

Lors des séances, Mesmer utilisait des passes magnétiques sur les participants, faisant des gestes avec ses mains au-dessus de leurs corps, dans le but de canaliser le fluide magnétique et d’induire des effets thérapeutiques ou hypnotiques. Les participants étaient souvent placés dans un état de relaxation profonde, voire de transe, et pouvaient présenter des réactions physiques et émotionnelles intenses.

Les baquets de Mesmer étaient un élément clé de son approche du magnétisme animal. Ils étaient conçus pour favoriser la circulation du fluide magnétique et créer un environnement propice à l’induction de l’état désiré chez les participants. Les séances collectives dans les baquets étaient souvent accompagnées de musique douce, d’odeurs agréables et d’une atmosphère propice à la détente et à la réceptivité.

Le magnétisme animal, des pratiques spectaculaires

L’époque du magnétisme animal a été caractérisée par des pratiques spectaculaires et théâtrales, avec des effets dramatiques sur les individus, tels que des convulsions, des cris ou des manifestations émotionnelles intenses. 

La maladie est perçue à cette époque comme un blocage du corps, comme un mur qui bloquait la circulation du fluide magnétique. Mesmer, cherche donc à provoquer et à utiliser les états de conscience modifiée, et à provoquer ce qu’il appelle “une crise magnétique” afin de briser ces murs et permettre au fluide de circuler normalement. 

Cette crise est provoquée par l’administration d’un fluide par le magnétiseur. La crise est nécessaire car pour lui, il s’agit du “moment thérapeutique”, l’espace durant lequel les blocages internes cèdent grâce à l’intervention et au pouvoir magnétique.

Du magnétisme animal au mesmérisme

Le mesmérisme et le magnétisme animal font référence à la même approche thérapeutique développée par Franz Anton Mesmer au XVIIIe siècle. Ces termes sont utilisés de manière interchangeable pour décrire sa pratique et sa théorie.

Le mesmérisme, ou magnétisme animal, était basé sur la croyance de Mesmer en l’existence d’un fluide magnétique universel présent dans le corps humain et dans l’environnement. Selon Mesmer, les maladies résultaient d’un déséquilibre ou d’un blocage de ce fluide. Il pensait pouvoir rétablir l’harmonie en transmettant son fluide magnétique aux patients par des passes magnétiques ou par le biais de dispositifs tels que les baquets.

Le but du mesmérisme était de guérir les maladies et de soulager les symptômes en rétablissant l’équilibre du fluide magnétique. Mesmer utilisait des techniques de suggestion, des gestes magnétiques et des manipulations énergétiques pour influencer l’état physique et mental des patients.

Aujourd’hui, le mesmerisme et le magnétisme animal sont considérés comme les prémices de l’hypnose moderne, bien que les pratiques et les théories aient évolué depuis cette époque. Ces termes sont souvent utilisés pour se référer à l’approche de Mesmer et à son influence sur le développement de l’hypnose et des techniques de suggestion thérapeutique.

Remarque : les Anglo-Saxons utilisent encore aujourd’hui le verbe « to mesmerize », pour “fasciner”, “hypnotiser”, “captiver”.

Les controverses et le débat scientifique autour du magnétisme animal

Le magnétisme animal a suscité de vives controverses et un débat scientifique intense à l’époque de son développement. Plusieurs points ont été critiqués : 

  1. L’existence d’un fluide magnétique : L’une des principales controverses était la question de l’existence même du fluide magnétique. Certains critiques considéraient que le fluide magnétique était une construction imaginaire, sans base scientifique solide. Ils soutenaient que les effets observés pouvaient être attribués à des processus psychologiques et à des réactions de suggestion.
  2. Le côté spectaculaire du magnétisme animal : Les séances de magnétisme animal étaient souvent accompagnées de pratiques spectaculaires et théâtrales, avec des effets dramatiques sur les patients. Cela a suscité des doutes quant à la sincérité des réactions des individus, et certains ont même accusé Mesmer d’utiliser des méthodes frauduleuses pour produire des effets spectaculaires plutôt que de véritables résultats thérapeutiques.
  3. L’efficacité du magnétisme animal reposerait en fait sur l’effet placebo et la suggestibilité : Certains critiques ont soutenu que les effets observés dans le magnétisme animal pouvaient être attribués à des mécanismes de placebo et à la suggestibilité des individus. Ils estimaient que les patients étaient influencés par les attentes et les croyances entourant les séances de magnétisme animal, plutôt que par des effets physiologiques réels.
  4. La principale critique repose sur l’absence de preuves scientifiques : Le magnétisme animal a été critiqué pour le manque de preuves scientifiques solides étayant ses théories et ses pratiques. Les expériences et les démonstrations de Mesmer et de ses disciples étaient souvent qualifiées d’insuffisantes ou de biaisées, et les résultats n’étaient pas systématiquement reproductibles.

Ces controverses ont alimenté un débat scientifique important à l’époque, mettant en doute la validité et la légitimité du magnétisme animal en tant que pratique médicale. Finalement, ces débats ont conduit à un déclin de l’influence du magnétisme animal et à l’émergence de nouvelles approches de l’hypnose et de la psychologie, basées sur des méthodes plus rigoureuses et scientifiques.

L’influence du Marquis de Puységur : du magnétisme animal au somnambulisme magnétique 

Le marquis de Puységur, également connu sous le nom d’Armand-Marie-Jacques de Chastenet, était un disciple de Franz Mesmer et est considéré comme l’un des pionniers de l’hypnose. 

Au XVIIIe siècle, il a développé sa propre approche de l’hypnose, connue sous le nom de « somnambulisme magnétique » ou « somnambulisme artificiel ».

Le marquis de Puységur a expérimenté avec des techniques de magnétisme animal, en utilisant des passes magnétiques et des suggestions verbales pour induire des états de transe chez les patients. Il a découvert que certaines personnes, lorsqu’elles étaient plongées dans cet état de transe, pouvaient présenter des comportements et des réactions étonnantes.

Dans son approche, le marquis de Puységur mettait l’accent sur l’importance de l’état de transe profonde et de la suggestion pour obtenir des résultats thérapeutiques. Il croyait que l’état de transe permettait un accès direct à l’inconscient et facilitait la guérison des maladies physiques et mentales.

A la différence de Mesmer, le Marquis de Puységur est convaincu que c’est le sujet lui-même parvient à se soigner lui-même. 

Dans les années 1780, dans sa propriété située à proximité de Soissons, en France, le marquis, un ancien colonel d’artillerie, s’entraîne en pratiquant sur ses domestiques et ses paysans. Sa méthode consiste à les plonger dans un état de transe afin de favoriser leur guérison. Au cours d’une de ces séances de transe, il remarque qu’un des paysans qu’il traite présente des épisodes de « somnambulisme » (c’est ainsi qu’il qualifie un état où le patient reste conscient tout en étant profondément endormi). Il enseigne sa technique à de nombreux disciples, mais il est lui-même vivement critiqué par les médecins officiels.

L’approche du marquis de Puységur a été influente dans le développement de l’hypnose en tant que pratique thérapeutique. Ses travaux ont été étudiés et développés par d’autres figures importantes de l’époque, notamment James Braid, qui a contribué à l’établissement des fondements scientifiques de l’hypnose moderne.

Aujourd’hui encore, le marquis de Puységur est considéré comme l’un des précurseurs de l’hypnose et son approche du somnambulisme magnétique a contribué à l’évolution des techniques et des théories de l’hypnose.

L’abbé Faria et l’hypnose

L’abbé Faria, de son vrai nom José Custódio de Faria, était un prêtre catholique et un érudit portugais du XVIIIe siècle, connu pour ses contributions dans le domaine de l’hypnose. Il est considéré comme l’un des précurseurs de l’hypnose moderne.

L’abbé Faria a développé une approche de l’hypnose basée sur des techniques de suggestion et de concentration mentale. Il croyait en la puissance de l’esprit et soutenait que les suggestions pouvaient avoir un effet direct sur l’esprit et le corps des individus.

Dans ses séances, Faria utilisait des suggestions verbales répétitives pour induire un état de transe chez ses patients. Il mettait l’accent sur l’importance de la volonté et de la confiance pour obtenir des résultats hypnotiques.

L’abbé Faria est aussi connu pour sa participation à la Commission royale sur le magnétisme animal, en France, en 1784. Il a défendu l’idée que les phénomènes observés lors des séances de magnétisme animal pouvaient être expliqués par des processus psychologiques et non par un fluide magnétique.

Bien que l’abbé Faria ait suscité de l’intérêt et de la controverse à l’époque, il n’a pas réussi à obtenir une reconnaissance généralisée de ses idées. Cependant, ses contributions ont jeté les bases de l’hypnose en tant que domaine d’étude distinct et ont influencé les futurs praticiens et chercheurs dans le domaine de l’hypnose.

Du magnétisme animal à la naissance de l’hypnotisme

Jusqu’à la fin du XIXème siècle les mots “magnétisme animal”, “mesmérisme” et “hypnotisme” sont considérés comme équivalents, comme des synonymes. D’ailleurs, on retrouve ce “glissement sémantique” dans le livre de Binet et Féré (1887), proches collaborateurs du Professeur Charcot, dont le titre “Le magnétisme animal”, mais qui traite en fait de l’hypnotisme.

La naissance du mot “hypnose”

En 1841, le chirurgien écossais James Braid évoque pour la première fois le terme “hypnose”, et pose les bases scientifiques d’une pratique thérapeutique uniquement verbale. Pour Braid, l’hypnose est reliée à la notion de monoïdéisme : ainsi, la transe hypnotique surviendrait seulement lorsque le patient est concentré sur une seule et unique idée. 

La théorie du magnétisme, rejetée par le domaine médical, est progressivement remplacée par la notion de relation thérapeutique, de relation de confiance entre un patient et son thérapeute, entre un sujet et son hypnotiseur.

L’hypnose prend un nouveau virage, et de plus en plus de médecins s’y intéressent.

L’hypnose pour “endormir” les patients lors d’opérations chirurgicales

Ablation d’une tumeur sous “sommeil magnétique” en 1919

En 1829, le chirurgien français Jules Germain Cloquet réalise une intervention chirurgicale sous un état de sommeil « magnétique ». La patiente, Mme Flandin, âgée de soixante-quatre ans, est décrite comme étant maigre, faible, asthmatique et souffrant d’un cancer du sein droit. 

Le docteur Chapelain, son médecin traitant, la met en état d’hypnose durant toute la durée de l’opération (entre dix et douze minutes)  elle ne ressent aucune douleur. Elle reste calme et continue de converser avec le chirurgien sans montrer de signe de sensibilité. 

Elle reste en état d’hypnose pendant deux jours et, à son réveil, elle n’a aucun souvenir de ce qui s’est passé. Des médecins anglais ont également pratiqué plusieurs opérations en utilisant l’hypnose de manière similaire.

Les travaux de James Braid

James Braid, un médecin écossais du XIXe siècle, définit l’hypnose comme un « état de sommeil nerveux ».

Il utilise comme technique d’induction la fixation d’un objet brillant. Il utilise cette méthode, notamment pour obtenir l’anesthésie lors de sesinterventions chirurgicales.

Remarque : à cette époque, l’hypnose reste le meilleur anesthésique car l’utilisation de l’éther comme anesthésique ne sera introduite pour la première fois aux États-Unis qu’en 1842 et en France qu’en 1847.

En 1847, il tente de renommer l’hypnose « monoïdéisme », mais sans succès.

On reproche à Braid ses expériences de phréno-hypnotisme, destinées à démontrer la possibilité d’exciter des sentiments, des idées et des actions spécifiques en exerçant une forte pression sur les protubérances du crâne du sujet hypnotisé.

Les travaux de James Esdaile

James Esdaile était un médecin britannique du XIXe siècle qui a joué un rôle significatif dans l’utilisation de l’hypnose dans le domaine médical et chirurgical. 

James Esdaile a utilisé l’hypnose pour réaliser des opérations chirurgicales majeures en Inde, où il travaillait comme médecin. Il a constaté que l’hypnose permettait aux patients de tolérer la douleur, de rester calmes pendant les interventions et de récupérer plus rapidement après les opérations.

Esdaile a réalisé des amputations, des excisions de tumeurs et d’autres procédures complexes sur des patients hypnotisés. Il a rapporté des cas où les patients ont présenté une absence de douleur pendant les opérations et une meilleure récupération postopératoire.

Son travail en Inde a été largement reconnu et a eu un impact significatif sur la pratique médicale de l’époque. Les résultats de ses interventions ont attiré l’attention des professionnels de la santé et ont contribué à ouvrir de nouvelles perspectives sur l’utilisation de l’hypnose en chirurgie.

Les expériences de James Esdaile ont montré le potentiel de l’hypnose pour réduire la douleur, faciliter les interventions chirurgicales et améliorer les résultats postopératoires. Son travail a contribué à l’évolution de l’utilisation de l’hypnose dans la pratique médicale et a influencé les futures recherches dans ce domaine.

Et puis, l’hypnose tombe dans l’oubli avec l’avènement du chloroforme

La découverte du chloroforme est attribuée au chimiste américain Samuel Guthrie, qui l’a isolé pour la première fois en 1831. C’est pourtant souvent le médecin le médecin écossais Sir James Young Simpson qui obtient les éloges, car il a joué un rôle majeur dans l’introduction et l’utilisation clinique du chloroforme comme anesthésique.

En 1847, Simpson et ses collègues ont commencé à expérimenter différentes substances pour trouver un anesthésique efficace et sûr. Ils ont découvert que le chloroforme, lorsqu’il était administré par inhalation, induisait rapidement une perte de conscience et permettait de réaliser des interventions chirurgicales sans douleur.

La découverte du chloroforme a révolutionné le domaine de la chirurgie en permettant d’effectuer des opérations plus complexes et prolongées. Avant l’introduction du chloroforme, les patients subissaient souvent des opérations douloureuses et traumatisantes.

La découverte du chloroforme, qui permet un endormissement systématique et très rapide du patient, éclipse littéralement l’hypnose thérapeutique. 

Cependant, l’utilisation du chloroforme n’était pas sans risques : en effet, une dose excessive entraîne des effets indésirables tels que des problèmes respiratoires et cardiaques. 

Au fil du temps, l’utilisation du chloroforme comme anesthésique a été progressivement abandonnée en raison des effets secondaires évoqués plus haut, et de l’émergence d’autres agents anesthésiques plus sûrs et plus efficaces. 

Aujourd’hui, le chloroforme est principalement utilisé à des fins de recherche et n’est plus couramment employé en pratique médicale.

L’époque de la suggestion : l’âge d’or de l’Hypnose

La période qui suit a été marquée par des batailles idéologiques entre l’École de Nancy et l’École de la Salpêtrière, deux courants majeurs qui ont façonné le paysage de l’hypnose en France. 

L’École de Nancy, représentée par des figures telles qu’Ambroise-Auguste Liébeault et Hippolyte Bernheim, mettait l’accent sur la suggestion comme principal mécanisme de l’hypnose. Ils soutenaient que l’hypnose pouvait être utilisée pour induire des changements positifs dans l’esprit des individus, en se concentrant sur le pouvoir de l’esprit sur le corps. 

En revanche, l’École de la Salpêtrière, dirigée par Jean-Martin Charcot, considérait l’hypnose comme un état pathologique spécifique, principalement associé à l’hystérie. Charcot pensait que l’hypnose était une forme de sommeil pathologique qui pouvait être utilisée pour étudier et interpréter les symptômes des patients hystériques. Ces batailles idéologiques ont suscité des débats intenses sur la nature même de l’hypnose, la suggestion et son utilisation thérapeutique. Elles ont également influencé le développement de la psychologie et de la psychothérapie.

L’école de la Salpêtrière ou l’école de Paris

L’École de la Salpêtrière, aussi connue sous le nom d’École de Paris, est l’une des deux grandes écoles qui ont contribué à l' »âge d’or » de l’hypnose en France entre 1882 et 1892, aux côtés de l’École de Nancy. 

Elle est basée à l’hôpital de la Salpêtrière, d’où son nom, et dirigée par le neurologue français Jean Martin Charcot. 

Charcot joue à cette époque un rôle majeur dans la réhabilitation de l’hypnose en tant que sujet d’étude scientifique en la considérant comme un phénomène somatique lié à l’hystérie. 

Il utilise également l’hypnose comme méthode d’investigation, plaçant ses patientes hystériques dans un « état expérimental » afin de reproduire et d’interpréter leurs symptômes.

Les travaux de la Salpêtrière introduisent une nouvelle perspective sur les phénomènes de l’hystérie. Charcot ne considère plus les patientes hystériques comme des simulatrices et fait la découverte, à la surprise générale, que l’hystérie n’est pas limitée aux femmes. En outre, Charcot établit un lien entre l’hystérie et les phénomènes de paralysie post-traumatique, jetant ainsi les bases d’une théorie du traumatisme psychique.

Parmi les collaborateurs de Charcot, considérés comme membres de l’École de la Salpêtrière, on trouve Joseph Babinski, Paul Richer, Alfred Binet, Charles Féré, Pierre Janet, Georges Gilles de La Tourette, Achille Souques, Jules Cotard, Pierre Marie, Gilbert Ballet, Paul Regnard, Désiré-Magloire Bourneville, Ferdinand Bottey, Paul Brémaud et Amédée Dumontpallier. 

Les travaux de l’École de la Salpêtrière ont exercé une influence considérable sur la plupart des grands cliniciens de l’époque, tels que Sigmund Freud, Eugen Bleuler ou Joseph Delbœuf.

Suite aux controverses opposant Charcot à Hippolyte Bernheim et aux autres membres de l’École de Nancy, Charcot est accusé d’avoir agi comme un montreur de foire, mettant en scène ses patientes dans des comportements théâtraux qu’il attribue à l’hypnose. Après sa mort en 1893, l’utilisation de l’hypnotisme décline dans les milieux médicaux et est interdite par les fondateurs de la psychologie expérimentale et de la psychanalyse.

L’école de Nancy 

L’École de Nancy, également connue sous le nom d’École de la suggestion, est l’une des deux grandes écoles qui ont contribué à l' »âge d’or » de l’hypnose en France entre 1882 et 1892, aux côtés de l’École de la Salpêtrière. 

Elle est notamment constituée : 

  • du médecin Ambroise-Auguste Liébeault, 
  • du professeur de médecine Hippolyte Bernheim, 
  • du juriste Jules Liégeois
  • et du médecin Henri Beaunis. 

La méthode thérapeutique de Liébeault et Bernheim se caractérise par une hypnose assez « autoritaire », basée sur l’utilisation de suggestions directes telles que : 

  • « Vous commencez à vous sentir très fatigué » 
  • ou « Vous commencez à ressentir moins de douleur ».

En 1903, Bernheim considère qu’il n’est pas possible de distinguer l’hypnose de la suggestibilité et abandonne progressivement l’hypnose formelle, soutenant que ses effets peuvent être obtenus tout aussi bien à l’état de veille par la suggestion, selon une méthode qu’il appelle « psychothérapie ». 

L’École de Nancy a exercé une influence décisive sur le développement de l’hypnose clinique, de la psychologie et de la psychothérapie. Les plus grands cliniciens de l’époque, de Sigmund Freud à Émile Coué en passant par Auguste Forel et Joseph Delbœuf, sont venus rendre visite à Bernheim et Liébeault pour observer leur travail.

La querelle entre l’École de Nancy et l’École de la Salpêtrière dirigée par Jean-Martin Charcot est au cœur de tous les débats de l’époque sur la nature de l’hypnose. Les partisans de Bernheim considèrent l’hypnose comme un simple sommeil produit par la suggestion et susceptible d’applications thérapeutiques, tandis que ceux de Charcot estiment que l’hypnose est un état pathologique spécifique propre aux hystériques. Ce débat a continué à influencer les recherches sur l’hypnose au cours du XXe siècle, comme en témoignent notamment les travaux de Clark Leonard Hull et Theodore Barber.


L’hypnose et l’époque de la psychothérapie

Hypnose et psychanalyse

En 1885, Sigmund Freud obtient une bourse de voyage délivrée par la faculté de médecine de Vienne, ce qui lui permet de passer quatre mois à la Salpêtrière avec Jean-Martin Charcot, qui deviendra son mentor.

Inspiré par les travaux du neurologue parisien, Freud donne une conférence à Vienne en 1886 sur l’hystérie masculine et commence à pratiquer lui-même l’hypnose en 1887. La même année, il se rend à Nancy avec sa patiente Anna von Lieben pour rencontrer Ambroise-Auguste Liébeault et Hippolyte Bernheim, dont il traduit en allemand le livre « De la suggestion et de ses applications à la thérapeutique ».

En 1889, Freud décide d’adopter la méthode de Pierre Janet, qui avait réussi à guérir certains patients de leurs symptômes en identifiant et en suggérant sous hypnose des souvenirs traumatiques de leur enfance. 

Par la suite, Freud adopte la méthode cathartique de Josef Breuer, utilisant l’hypnose pour permettre à ses patients de revivre émotionnellement des événements traumatiques oubliés.

Vers l’automne 1892, Freud abandonne progressivement l’hypnose traditionnelle au profit de techniques telles que la « concentration » à l’état de veille et la « Druckprozedur », qui consiste à exercer une pression sur le front des patients tout en leur demandant d’évoquer une idée ou une image. 

Même si ces techniques sont héritées d’Hippolyte Bernheim et qu’elles ont des similitudes avec l’hypnose, Freud les considère comme distinctes. Cependant, il constate les limites de l’hypnose en raison de la variabilité de la suggestibilité des patients.

En 1895, Freud abandonne définitivement l’hypnose, considérant que même chez les hystériques, pour lesquels l’hypnose était considérée comme la plus efficace, la technique de suggestion et/ou l’hypnose ne suffisait pas à établir un traitement solide. L’hypnose était perçue comme une manipulation du sujet et ne s’alignait pas avec l’orientation ultérieure de la psychanalyse, qui mettait l’accent sur la parole et la libre association permettant au sujet d’exprimer sa propre part active et de confronter ses résistances.

En 1917, lors de la dix-neuvième conférence d’introduction à la psychanalyse, Freud déclare que la psychanalyse proprement dite n’a commencé qu’au moment où l’hypnose a été abandonnée.

Cependant, malgré l’interdiction de Freud, de nombreux psychanalystes ont continué à s’intéresser à l’hypnose et à la pratiquer. Parmi eux, Sandor Ferenczi occupe une place particulière. Au cours du XXe siècle, l’hypnose a connu une résurgence grâce aux contributions de plusieurs éminents psychanalystes tels que Lawrence Kubie, Léon Chertok et François Roustang. Les liens entre l’hypnose et la psychanalyse ont également été étudiés par des philosophes tels qu’Isabelle Stengers, Michel Henry et Mikkel Borch-Jacobsen.

Hypnose et autosuggestion 

En 1900, en France, Émile Coué, un pharmacien de Nancy, popularise sa célèbre « Méthode Coué » qui repose sur l’utilisation de l’autosuggestion, une technique influencée par ses connaissances en hypnose acquises auprès de Liébault. 

Cette méthode se répand rapidement dans le monde entier, à Paris, Bruxelles, Londres, et même aux États-Unis, où Coué est accueilli sur la Cinquième Avenue avec les honneurs réservés à un chef d’État.

La méthode Coué met l’accent sur le pouvoir de l’autosuggestion, où l’individu répète des affirmations positives à lui-même pour influencer son subconscient et améliorer son bien-être mental et physique. Coué a développé des techniques simples et accessibles à tous pour appliquer l’autosuggestion dans différents aspects de la vie quotidienne, tels que la santé, la confiance en soi et la réalisation des objectifs. Cette approche a connu un grand succès et a inspiré de nombreuses personnes à exploiter leur potentiel grâce à la puissance de l’autosuggestion.

Sa phrase la plus célèbre est : « Tous les jours, à tout point de vue, je vais de mieux en mieux. » Cette phrase est à répéter vingt fois le matin et vingt fois le soir, pour conditionner l’imaginaire d’une manière favorable. Coué est persuadé que ce n’est pas lui qui soigne les gens mais qu’il est simplement là pour permettre aux malades de se soigner eux- mêmes.

L’impact de la méthode Coué sur l’hypnose et l’autosuggestion a été significatif, offrant une alternative accessible et pratique pour améliorer le bien-être et développer le potentiel humain. L’utilisation de l’autosuggestion continue d’être explorée et intégrée dans divers domaines tels que la psychologie, la médecine et le développement personnel.

Hypnose et psychothérapie

Pierre Janet, philosophe, psychologue et médecin, occupe une place essentielle en France en continuant de s’intéresser à l’hypnose, menant des recherches dans ce domaine. Janet joue un rôle majeur dans l’histoire de la psychothérapie et de l’hypnose. 

Charcot le nomme directeur d’un laboratoire à l’hôpital de la Salpêtrière, avant même qu’il ne soit médecin. Janet entreprend des recherches sur l’hypnose et l’hystérie, notamment en publiant des études fascinantes sur l' »automatisme psychologique ». Selon lui, l’hypnose serait le résultat d’une conscience secondaire dissociée, une forme de double conscience. Il s’appuie sur les phénomènes de dédoublement de la personnalité et d’amnésie post-hypnotique.

En 1919, l’hypnose tombe en désuétude en France, mais Pierre Janet poursuit ses travaux sur le phénomène hypnotique. Il découvre le phénomène de la régression hypnotique, qu’il utilise à des fins cathartiques. Janet a renforcé la notion d’inconscient en thérapie dès 1886 et a également découvert le principe de l’association libre, qu’il a fait connaître au jeune Sigmund Freud alors en formation d’hypnose à la Salpêtrière.

Cependant, l’hypnose tombe rapidement dans l’oubli en France en raison des critiques suscitées par les travaux de Charcot, des difficultés à appréhender les phénomènes hypnotiques et de l’émergence des théories psychanalytiques. Janet affirmait que la psychanalyse et la méthode psychosomatique, issus de l’hypnose, y reviennent souvent de manière indirecte mais de plus en plus prononcée.

L’hypnose fait son retour sur le devant de la scène pendant la Première Guerre mondiale, lorsque les psychiatres réalisent que les soldats souffrant de traumatismes tels que la paralysie ou l’amnésie, considérés comme principalement d’origine psychologique plutôt que physique, répondent très bien au traitement par l’hypnose.

Hypnose dans le monde

Aux États-Unis, dès 1845, Morton Prince utilise l’hypnose pour traiter les cas de personnalités multiples. Benjamin Rush, considéré comme le père de la psychiatrie américaine, intègre également l’hypnose dans sa pratique.

K.M. Bykov, disciple de Pavlov pose les fondements et les bases de la médecine psychosomatique et démontre que diverses affections telles que les ulcères d’estomac, l’hypertension artérielle, l’asthme, peuvent être déclenchées par des perturbations de l’activité nerveuse supérieure.

Aux États-Unis, le psychologue Clark L. Hull, professeur et mentor de Milton Erickson, mène de nombreuses expériences sur l’hypnose, qu’il considère comme un aspect tout à fait naturel de la psyché humaine. Selon Hull, la transe hypnotique est un élément naturel de la conscience, similaire aux rêves (tant dans l’état de veille que pendant le sommeil). Erickson se distancie de son mentor pour développer une forme d’hypnose plus douce et moderne.

En 1957, en Russie, K.I. Platonov souligne l’importance considérable des mots chez les sujets en état hypnotique ainsi que dans un état de conscience « normal ». 

Une expérience stupéfiante démontre qu’il est possible d’accélérer la coagulation du sang et la cicatrisation d’une plaie ouverte chez un sujet en transe hypnotique, simplement en écoutant le son d’un métronome. Par la suite, le simple son du métronome, en dehors de l’état hypnotique, suffit à provoquer la coagulation du sang. Et bientôt, on réalise que le mot « métronome » a le même effet ! Le cerveau humain est donc capable de se servir d’abstractions pour modifier son équilibre.

En parallèle, avec Velvoski et Nikolaïev, Platonov développe la méthode d’accouchement dite « psychoprophylactique » (sans douleur). 

J.H. Schultz élabore son « Training autogène », inspiré des anciennes techniques d’hypnose d’Oskar Vogt (1900).

Aux États-Unis, les travaux de Milton Hyland Erickson, psychiatre américain né en 1901, bouleversent les conceptions de l’hypnose et de la thérapie brève. Les membres de l’École de Palo Alto, tels que Bateson, Watzlawick, Weakland et Haley, le considèrent comme le « père de la communication moderne ». Ainsi naît l’hypnose ericksonienne (1937), qui se développera grâce aux disciples d’Erickson tels que Jay Haley, Jeffrey Zeig et Ernest Lawrence Rossi. La pratique de Milton Erickson sera également à l’origine de la programmation neuro-linguistique (PNL) de Richard Bandler et John Grinder dans les années 1970.

Hypnose ericksonienne

Milton Erickson (1901-1980) est un psychiatre américain qui a consacré une grande partie de sa vie à étudier l’hypnose et son utilisation en psychothérapie.

Dans les années 1930, aux États-Unis, Milton Erickson a apporté une contribution majeure à l’hypnose moderne. En tant que psychiatre et psychologue, il a rapidement rejeté l’approche classique de la psychothérapie. 

Selon lui, chaque patient possède en lui-même toutes les ressources nécessaires pour surmonter les difficultés qu’il rencontre. 

Le rôle du thérapeute est de découvrir et d’aider à développer les compétences et les ressources de chaque individu. Erickson considère chaque patient comme un être unique, donc il lui paraît impossible d’appliquer des méthodes et des théories toutes faites pour traiter tous les patients. Chaque thérapeute devrait développer des approches sur mesure pour répondre aux besoins spécifiques de chaque individu

. C’est pourquoi il dit fréquemment à ses étudiants : « Ne cherchez surtout pas à être comme Milton Erickson, soyez vous-même. »

De plus, Erickson considère l’inconscient comme une partie intégrante de l’esprit du patient. Plutôt que d’être un perturbateur, l’inconscient est un réservoir de ressources qu’il est important d’utiliser pour favoriser le bien-être. L’inconscient est animé par ses propres intérêts et possède des réponses spécifiques aux situations difficiles. Il est capable d’apprendre, est créatif et essaie de trouver des solutions aux problèmes rencontrés par les patients dans leur vie quotidienne.

Selon Erickson, la transe, qu’elle soit profonde ou superficielle, est un phénomène naturel qui permet de modifier les comportements jugés nuisibles. Cependant, contrairement aux hypnothérapeutes traditionnels, Erickson est convaincu qu’il n’est pas possible de « convaincre » l’inconscient de manière autoritaire en lui donnant des ordres. Cela ne peut entraîner que des réactions négatives ou de résistance. 

Sa méthode consiste à offrir à l’inconscient des possibilités, des métaphores, des symboles, voire des contradictions, que l’inconscient va décoder, interpréter et adapter aux situations en cours. L’hypnose telle que conçue par Milton Erickson a donné naissance à un mouvement qui perdure encore et qui s’est développé de manière prolifique à partir des années 1950.

Les découvertes de Milton Erickson ont révolutionné la perception moderne de l’hypnose, qui diffère considérablement de ce qui était cru au début du XXe siècle. L’hypnose ericksonienne, tout comme d’autres formes d’hypnose réhabilitées par des thérapeutes tels que Léon Chertok, Alfonso Caycedo et François Roustang, a redonné ses lettres de noblesse à l’hypnose délaissée par Freud. Bien qu’elle présente certaines difficultés méthodologiques particulières, cette forme d’hypnose a fait l’objet de recherches scientifiques, notamment grâce aux avancées récentes de l’imagerie médicale (IRMf et PetScan), qui ont prouvé que l’hypnose est bel et bien un état spécifique.

Après Erickson, l’hypnose thérapeutique a subi un changement radical. Selon lui, l’inconscient du patient est un réservoir de ressources, de connaissances et d’apprentissages dont il ignore l’existence et auquel il doit apprendre à faire confiance.

Erickson a introduit la notion d’hypnose permissive, car il considérait que ce n’était pas le thérapeute qui détenait la solution. Le patient possède en lui les ressources nécessaires pour répondre de manière appropriée aux situations qu’il rencontre. Il s’agit donc d’utiliser ses propres compétences et possibilités d’adaptation. Le patient conserve son libre-arbitre, rien ne lui est imposé.

En France, la réintroduction de l’hypnose dans la pratique clinique est principalement due à Léon Chertok (1911-1991), après ses rencontres avec Erickson.

L’hypnose et l’époque moderne

La fin d’une réputation pseudo-scientifique

L’hypnose a longtemps été perçue comme une pseudo-sciences, reléguée dans la catégorie des médecines alternatives, aux côtés des guérisseurs, rebouteux et magnétiseurs. Bien que Milton Erickson lui ait donné une certaine légitimité, elle demeurait en marge de la médecine officielle et de ses institutions hospitalières.

Le changement qui s’est opéré ces dernières années est principalement dû à une demande croissante des patients plutôt qu’à une acceptation spontanée du corps médical. De nombreux patients ont été déçus par l’approche allopathique qui ne parvient pas toujours à résoudre leurs problèmes, voire dont les médicaments entraînent un nombre d’effets secondaires parfois plus préoccupant que la maladie elle-même. Face à ce scepticisme et ce début de rejet, certains médecins ont choisi de se tourner vers l’hypnose, faisant abstraction de son aspect non scientifique.

L’hypnose a retrouvé ses lettres de noblesse

L’hypnose a gagné en respectabilité au point d’être intégrée à l’université. Dans plusieurs établissements, des cours d’hypnose sont proposés aux futurs médecins ainsi qu’au personnel médical et paramédical (psychologues, sages-femmes, dentistes, kinésithérapeutes, infirmiers). L’objectif est de permettre aux praticiens, qu’ils exercent en privé ou dans le secteur public, d’utiliser l’hypnose, notamment dans le domaine de la douleur où elle facilite certaines interventions médicales, voire chirurgicales, en toute sécurité, sans recourir à l’anesthésie générale, mais aussi dans le domaine de la psychiatrie et de la psychothérapie.

Malgré cet intérêt renouvelé, l’hypnose demeure une technique qui, dans de nombreux cas, n’est pas encore pleinement prise au sérieux par le corps médical et la recherche, notamment dans le domaine des neurosciences. Si certains chercheurs se sont lancés dans la difficile tâche d’expliquer le fonctionnement de l’hypnose, les connaissances sur le cerveau restent encore limitées, ce qui rend ces recherches marginales.

Hypnose et neurosciences à l’ère de l’evidence-based medicine

Au XXIème siècle, avec l’avènement de la médecine fondée sur des preuves, ou evidence-based medicine (EBM) les praticiens de l’hypnose clinique ressentent le besoin de mener des études scientifiques approfondies.

En 2002, la première revue détaillant l’efficacité de l’hypnose a été publiée, en allemand. Par la suite, en 2003, le Comité consultatif scientifique allemand sur la psychothérapie a rédigé un rapport d’évaluation sur l’efficacité de l’hypnothérapie. Ce rapport conclut que l’hypnothérapie peut être considérée comme une technique scientifiquement valable pour traiter, chez les adultes, les facteurs mentaux et sociaux associés aux maladies somatiques, ainsi que pour le traitement de la toxicomanie, du sevrage tabagique et de la méthadone.

Cela a marqué le début d’une nouvelle ère pour l’hypnose clinique, dont l’efficacité, si souvent observée, repose désormais sur des faits objectifs, notamment obtenus grâce à la neuroimagerie fonctionnelle.

Hypnose et recherches scientifiques

L’hypnose suscite un intérêt croissant dans la recherche scientifique. Les études visant à explorer les mécanismes et l’efficacité de l’hypnose se multiplient, offrant ainsi une meilleure compréhension de cette pratique thérapeutique.

La recherche scientifique permet d’examiner les effets de l’hypnose sur diverses problématiques médicales et psychologiques, telles que : 

  • la douleur, 
  • l’anxiété, 
  • la dépression, 
  • les troubles du sommeil 
  • et bien d’autres encore. 

Les chercheurs utilisent des méthodologies rigoureuses pour évaluer les résultats de l’hypnothérapie et déterminer son impact sur la santé et le bien-être des patients.

Les avancées technologiques, notamment dans le domaine de l’imagerie cérébrale, ont permis d’observer les changements neurophysiologiques qui se produisent lors de séances d’hypnose. Les études utilisant l’imagerie cérébrale fonctionnelle, telles que l’IRMf, ont montré des modifications dans les régions cérébrales associées à l’attention, à la perception de la douleur et à la régulation des émotions pendant l’état d’hypnose.

De plus, la recherche s’intéresse également à l’efficacité comparée de l’hypnose par rapport à d’autres approches thérapeutiques, afin de déterminer dans quelles situations l’hypnothérapie peut être la plus bénéfique.

Grâce à ces recherches scientifiques, l’hypnose gagne en crédibilité et en reconnaissance en tant qu’approche thérapeutique valide. Les résultats obtenus permettent d’orienter les pratiques cliniques et d’améliorer les protocoles de traitement basés sur l’hypnose.

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