De la naissance de Milton Erickson à sa crise de polyomyélite
Né à Aurum dans le Nevada, Milton Hyland Erickson n’a pas vraiment eu ce que l’on peut appeler “une enfance facile”.
Daltonien, amusique, dyslexique, et arythmique il est atteint de plusieurs troubles sensoriels et perceptifs. Ses différents troubles l’amènent rapidement à percevoir le monde différemment.
Issu du monde rural, il est un jeune homme en bonne santé qui envisage de suivre le chemin de ses parents en s’occupant de la ferme familiale.
Âgé de seulement 17 ans, Milton Erickson se retrouve dans une situation très difficile : il se retrouve incapable de bouger, complètement meurtri par la poliomyélite. La “polio” n’est pas une maladie anodine :elle s’attaque sournoisement au système nerveux central (SNC) et détruit progressivement les cellules nerveuses qui permettent d’actionner les muscles, ce qui peut entraîner la paralysie et la mort.
Agonisant presque dans son lit, il entend les médecins parler à sa mère : “profitez de votre fils, car il ne verra pas le jour”. Il raconte dans un de ces livres :
“J’étais dans mon lit ce soir-là, et j’ai entendu que les trois médecins disaient à mes parents, dans la pièce voisine, que je serai mort le lendemain matin. Que quelqu’un puisse dire à une mère que son fils sera mort le lendemain matin me plongea dans une profonde colère. Ensuite, ma mère est entrée dans ma chambre, l’air aussi serein que possible. Je lui ai demandé de déplacer la commode, de la pousser contre le côté du lit selon un angle bien précis. Elle ne comprenait pas pourquoi, elle pensait que je délirais. J’avais du mal à parler. Mais ainsi disposé, le miroir de la commode me permettait de voir, à travers la porte, la fenêtre ouest de la pièce voisine. Il n’était pas question que je meure sans avoir vu à nouveau le soleil se coucher”.
Furieux contre ce pronostic, et contre le manque de tact des médecins (à son égard et surtout à l’égard de sa mère), il parvient tant bien que mal à voir le soleil se lever, mais tombe pendant 3 jours dans un coma que tous ses proches imaginaient fatal…
Du coma à la découverte de ses nouveaux handicaps… et de ses nouveaux potentiels
A la surprise de son entourage et des médecins, il parvient une nouvelle à “inverser la tendance” en sortant du coma. Malheureusement, au réveil, il se rend compte qu’il ne peut plus bouger. Impossible pour lui de se déplacer, de se mouvoir. La maladie l’immobilise et lui impose de rester cloué au lit. Uniquement capable de parler et de bouger les yeux, il passe la plus grande partie de son temps à observer : observer les gens qui l’entourent, et notamment le langage verbal et le langage non verbal. Il s’amuse à écouter et observer ses soeurs, et à lire quand elles disent oui avec la bouche, et non avec le corps ou inversement.
S’ensuit évidemment une longue et intense rééducation, afin de recouvrer ses capacités physiques, ce qui l’amène à découvrir l’hypnose, l’auto-hypnose, la visualisation, l’imagerie mentale, la suggestion et l’auto-suggestion. Impossible pour lui de localiser ses membres, avec une forte perte de son schéma corporel, il passe des jours entiers à tenter de localiser ses membres, à l’écoute des moindres sensations. Il passe aussi des heures et des jours entières à observer sa plus jeune sœur apprendre à marcher : si elle apprend les différentes étapes pour marcher, peut-être qu’en l’observant et en “mimant”, il pourrait lui aussi, ré-apprendre à marcher.
Sa rééducation se passe bien, et il parvient à développer de plus en plus de force et à mobiliser ses membres jusqu’à retrouver . Conscient de ses difficultés et de ses handicaps, il comprend très vite que la rude vie de fermier ne serait probablement pas la meilleure des idées.
“Je n’avais plus les forces requises pour être fermier, mais peut-être en aurais-je assez pour être médecin”
Il se dirige donc vers un autre champ : celui de la psychologie, de l’hypnose et de l’inconscient.
A l’âge de 20 ans, 3 ans après sa première crise de poliomyélite, et après un an de rééducation intense : il parvient de nouveau à se tenir debout et arrive à marcher avec des béquilles. Quelques mois après, il part même en canoë à travers les Etats-Unis.
Un parcours médical atypique : Erickson se passionne pour l’hypnose qui l’a sauvée, l’utilise et la transmet
En 1923, après de nombreuses recherches, Milton Erickson développe des techniques d’induction hypnotique permissive et indirecte. Il se lie d’amitié avec Clark Hull, qui devient alors son mentor dans le domaine de l’hypnose (ils s’éloigneront quelques années plus tard pour des divergences sur l’hypnose et la façon de guider dans l’état de transe).
Il obtient 5 années plus tard son doctorat en médecine en même temps que sa maîtrise de psychologie. Il est également père de 5 enfants.
Erickson refuse l’idée que l’hypnose doive être directive et autoritaire. Il refuse également l’idée de “lire des scripts” et d’utiliser des approches dites standardisées, qui plaisent pourtant tant aux Etats-Unis.
A contre-courant des hypnotistes et hypnotiseurs de l’époque, il est souvent moqué pour sa vision de l’hypnose permissive et créative.
Il refuse également de :
- créer son école
- développer une approche dogmatique qu’il juge stérile et impertinente,
- d’écrire une méthode.
Milton Erickson, célèbre pour ses contributions à l’hypnothérapie, est souvent considéré comme l’un des pionniers de cette discipline. Sa méthode, appelée « hypnose ericksonienne », se distingue par son approche non directive et sa capacité à s’adapter aux besoins uniques de chaque patient. Erickson croyait en la puissance de l’inconscient et utilisait des métaphores, des histoires et des suggestions indirectes pour aider les individus à surmonter leurs problèmes et à accéder à leurs ressources intérieures. Sa vision holistique de l’être humain et son respect profond pour la singularité de chaque personne ont influencé de manière significative le domaine de l’hypnothérapie, en ouvrant de nouvelles voies pour l’exploration et la guérison de l’esprit.
De nombreux thérapeutes souhaitent le rencontrer, et apprendre ses méthodes innovantes pour l’époque, et surtout efficaces, puisque sa renommée est de plus en plus grande dans le pays, et que ses patients obtiennent d’excellents résultats.
Il propose donc des “séances ouvertes” où de nombreux thérapeutes sont conviés. Ceux-ci l’observent, le questionnent, tout en passant à de nombreuses reprises dans des états modifiés de conscience qu’il s’amuse à leur faire vivre.
Il invite tous les thérapeutes qui viennent à ces “séminaires” de sortir des dogmes, de prendre ce qu’ils apprécient chez lui et de laisser ce qui ne leur convient pas afin de construire un style personnel, unique, correspondant à leur vision de l’accompagnement, de la thérapie, de l’être humain et de la vie en général.
Comme il le disait lui-même : “ je n’ai jamais fait deux fois la même séance d’hypnose de toute ma vie, et jamais je ne le ferai”.
De nouvelles péripéties dans la vie de Milton Erickson
Suite à une nouvelle crise survenue à l’âge de 50-51 ans, Erickson se retrouve encore plus limité physiquement qu’auparavant : et il le restera malheureusement jusqu’à la fin de ses jours.
Sujet à de nombreuses douleurs chroniques, son métier d’hypnothérapeute lui permet également d’être très souvent dans des états modifiés de conscience, lui permettant de gérer ses douleurs. Ses proches disaient d’ailleurs qu’il était très rare de l’entendre se plaindre.
Il met en place les différentes stratégies d’hypnose et d’auto-hypnose pour recouvrer ses aptitudes physiques. Malheureusement, il récupère moins bien que la première fois, et
il est réduit à se déplacer en fauteuil roulant.
En parallèle, il est convoqué par une commission médicale qui souhaite lui retirer son titre de médecin : heureusement, il s’en sort sans sanction.
L’hypnose ericksonienne : des balbutiements à une reconnaissance internationale de la discipline
En Mars 1980, Milton Erickson décède à l’âge de 79 ans : plutôt surprenant pour quelqu’un à qui on prédisait une mort certaine à l’âge de 17 ans, dans une période où l’espérance de vie était de 60 à 70 ans pour un homme.
Il n’a donc pas l’occasion de participer au premier congrès international en son honneur, qui a lieu en Décembre 1980, à Phoenix, Arizona.
Les idées d’Erickson à propos de l’hypnose et de la psychothérapie ont commencé à arriver en France en 1984 avec la publication de la traduction du livre de Jay Haley, Uncommon Therapy, sous le titre Un thérapeute hors du commun, Milton H. Erickson.
Aujourd’hui, l’hypnose ericksonienne jouit d’une formidable réputation, notamment grâce aux travaux de recherches scientifiques qui ont été effectués, grâce aux différents dispositifs EEG permettant d’évaluer le fonctionnement cérébral sous hypnose, de démystifier la pratique tout en apportant des preuves factuelles de son efficacité. De
nombreux praticiens ont été formés et continuent de se former à cet univers passionnant.
A l’hôpital, par exemple, on la retrouve dans bien des services : médecine, chirurgie, obstétrique, psychiatrie et d’autres.
La pratique de l’hypnose thérapeutique a considérablement évolué. Milton Erickson a laissé derrière lui le souvenir fort d’un thérapeute de génie, d’un homme simple, d’un guérisseur blessé, qui a su transformer ses difficultés en sources d’apprentissage, et qui a su transmettre ses principes et sa philosophie, et qui continue de le faire encore bien après sa mort.
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