Quel cadre légal et juridique ?
Nombreux sont nos stagiaires à nous poser la question du “titre” qu’ils doivent utiliser, afin de ne pas être dans l’illégalité.
- “Est-ce que je peux dire que je suis hypnothérapeute, praticien(ne) en hypnose, ou bien hypnopraticien(ne) ?”
- “Puis-je dire que je suis psychopraticien(ne) ?”
- “Que dit la loi sur notre profession ?”
Nous répondons à vos questions dans cet article.
Quelques bases juridiques et légales
Avant de vous donner nos recommandations, il nous semble essentiel de vous dire ce que vous n’avez pas le droit de faire. Pour cela, nous nous appuyons sur l’article 433-17 du code pénal, qui énonce le principe de protection de certains titres professionnels tel que :
“L’usage, sans droit, d’un titre attaché à une profession réglementée par l’autorité publique ou d’un diplôme officiel ou d’une qualité dont les conditions d’attribution sont fixées par l’autorité publique est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.”
Dans le champ de la psychologie et des psychothérapies, seuls les titres suivant sont des titres professionnels protégés :
- Psychothérapeute
- Psychiatre
- Psychologue
Cela peut sembler évident, mais si vous ne disposez pas des pré-requis pour utiliser les titres ci-dessus, ne les utilisez pas.
Puis-je dire que je suis psychothérapeute ?
Comme indiqué précédemment, le titre de psychothérapeute est protégé et nécessite une formation en psychopathologie.
Cette formation doit être validée, sauf dispense particulière (pour les médecins psychiatres, les psychologues titulaires d’un master de psychologie et d’un stage professionnel), par tous les psychothérapeutes.
Le programme de la formation commune en psychopathologie est défini par un arrêté pris par les Ministères de la Santé et de l’Enseignement Supérieur (Arrêté du 8 juin 2010).
Il comprend 400 heures d’enseignements théoriques généraux, qui doivent obligatoirement être complétés par un stage pratique supervisé en institution, d’une durée d’un semestre.
La formation ne peut être dispensée que par des instituts de formation agréés par les Agences Régionales de Santé (ARS). Ces instituts doivent répondre à de nombreuses exigences, détaillées dans le même arrêté du 8 Juin 2010.
Pour résumer, l’usage du titre de “psychothérapeute” est réglementé par l’ARS. Cette réglementation impose notamment un certain nombre d’heures de formation théorique et pratique en psychopathologie. Si vous ne répondez pas à ces exigences, vous ne pouvez utiliser le titre de psychothérapeute.
Psychothérapeute, psychopraticien(ne) ?
Nous l’avons vu précédemment, le titre de psychothérapeute ne peut être utilisé qu’en répondant à certains pré-requis très précis. Nous ne vous conseillons pas de “jouer avec le feu” et d’utiliser ce titre si vous ne répondez pas à ces exigences, pouvant vous causer du tort ainsi qu’à la profession.
Mais…
Qu’en est-il du titre de psychopraticien(ne) ?
Le titre de psychopraticien(ne) n’est pas encore protégé et peut, de ce fait, être utilisé. Cela peut “semer le doute” dans l’esprit du client, et c’est ce que le législateur pourrait, à terme, reprocher aux personnes utilisant ce titre. Pour l’instant, toutefois, vous restez dans la légalité en utilisant le titre de psychopraticien(ne).
Hypnothérapeute, hypnopraticien, praticien en hypnose ?
De la même manière que précédemment, le titre d’hypnothérapeute n’existe pas officiellement. On retrouve des informations diverses sur le net, qui participent à la création ou au maintien d’une grande confusion.
Nous avons retrouvé le témoignage d’un “Hypnothérapeute” datant de 2011, qui a été placé en garde à vue pour « exercice illégal de la médecine », qui a ensuite reçu la décision du procureur à son encontre, c’est à dire une convocation par un substitut du procureur pour un « rappel à la loi ». Pour rappel, il a été poursuivi pour l’usage du mot « hypnothérapeute » sur ses cartes de visite. L’ordre des médecins a précisé dans son que le mot « thérapeute »est réservé à la médecine.
Notre conseil juridique nous propose donc de ne pas utiliser les termes qui pourraient être tendancieux, et qui pourraient donner envie à l’Ordre des Médecins de mener des actions en justice.
A ce jour, les termes d’hypnopraticien(ne) et de praticien(ne) en hypnose ericksonienne semblent les plus sûrs d’un point de vue légal et juridique.
La loi, un no man’s land ?
Il existe donc plusieurs zones floues d’un point de vue juridique.
Dans un premier temps, si le titre de psychothérapeute est protégé, l’exercice de la psychothérapie ne l’est pas, ce qui ne semble pas cohérent.
Nous vous invitons à prendre du recul par rapport aux informations que vous pouvez trouver, notamment en fonction des évolutions de la loi.
La France, une exception ?
L’usage du titre de psychothérapeute est réservé aux professionnels inscrits au registre national des psychothérapeutes.
Si vous voulez obtenir le titre de Psychothérapeute sans remplir les conditions définies par les décrets de la loi, vous devez faire valider vos formations et pratiques professionnelles. Cela est possible lorsque vous bénéficiez de plus de 5 années d’exercice. Votre dossier doit être envoyé à l’Agence Régionale de Santé (ARS) de votre région (Mission psychothérapie). Les demandes des praticiens concernés peuvent être déposées jusqu’au 1er juillet 2011, délai de rigueur.
L’exercice de la psychothérapie demeure cependant libre à condition de ne pas utiliser le titre de « psychothérapeute » si on ne rentre pas dans les conditions légales. Ainsi les titres tels que : Gestalt-thérapeute, hypnothérapeute, analyste transactionnel restent de ce fait autorisés ou tolérés : ce sont des professionnels de l’accompagnement.
Il existe de nombreuses disparités au niveau européen et mondial à ce sujet.
La législation au Canada / Quebec
Si vous n’êtes ni médecin, ni psychologue, vous devez être titulaire d’une maîtrise et faire partie de l’un des ordres professionnels suivants afin d’obtenir une autorisation d’exercer la psychothérapie :
- Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec (OPP)
- Ordre des travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ)
- Ordre des ergothérapeutes du Québec (OEQ)
- Ordre professionnel des sexologues du Québec (OPSQ)
- Ordre des infirmières et des infirmiers du Québec (OIIQ)
Dans ce cas toutefois, le titre doit obligatoirement être précédé du titre de la profession, par exemple « ergothérapeute-psychothérapeute ».
La législation en Belgique
Le titre de psychothérapeute n’est pas protégé en Belgique. Depuis plusieurs années, la Belgique a décidé de légiférer les professions de santé mentale et notamment les psychologues cliniciens et les psychothérapeutes. Pour le moment, plusieurs projets de loi ont été élaborés mais aucun n’a débouché sur une législation.
La législation en Suisse
Le titre de psychothérapeute est en cours de protection en Suisse. Le Conseil des États et le Conseil National ont en effet récemment promulgué une loi, connue sous le nom de LPsy, qui réglemente tant le titre de psychologue que celui de psychothérapeute.
Le titre de psychothérapeute s’obtient après une formation agréée selon l’approche enseignée : l’Approche Centrée sur la Personne (ACP), la gestalt thérapie, la thérapie cognitivo-comportementaliste (TCC), la systémique (thérapie familiale), la psychanalyse, etc…
Quelques recommandations pour “rester dans les clous”
Nos recommandations pour respecter le cadre légal dans votre pratique
- Affichez vos tarifs
- Remettez une note, reçu ou facture pour une prestation dépassant 25€
- Affichez le nom médiateur de la consommation dont vous dépendez
- Tenez un registre RGPD qui indique votre procédure de traitement des données personnelles
- N’utilisez pas de manière abusive les termes suivants : « diplômé », « certifié », « agréé »
- N’utilisez pas de termes médicaux : “thérapeute”, “hypnose médicale”, “patient”, “consultation”, “traitement de maladies”, “guérison”, “soin ou acte de soin”…
- Nous vous conseillons d’utiliser des termes comme praticien en hypnose, praticien en PNL, ou praticien en thérapie brève. Il peut aussi être pertinent de simplement noter sur votre plaque ou sur vos supports de communications (tels que votre site internet, vos cartes de visite et vos réseaux sociaux) “Hypnose Ericksonienne”, ou “Programmation Neuro-Linguistique” sans indiquer thérapeute ou praticien
Nous vous proposons également d’afficher sur vos supports de communication une information claire sur votre cadre de travail telle que décrite ci-dessous :
“L’hypnothérapeute n’est ni médecin, ni psychologue, ni psychiatre, ni psychothérapeute. Il ne fait donc pas de diagnostic, ne soigne pas et ne guérit pas. Ses prestations ne prétendent en aucun cas se substituer à un acte médical ou à des prescriptions médicamenteuses. Les séances d’hypnose s’inscrivent uniquement dans une démarche de bien-être. Elles ne dispensent pas de consulter un professionnel de la santé, chaque fois que cela est nécessaire. Toute question relevant du domaine médical est à poser à votre médecin traitant”.
En résumé
- N’utilisez pas un titre qui est protégé si vous ne répondez pas aux exigences de ce titre
- N’utilisez pas de termes à connotation “médicale”
- Tenez-vous informés de la loi car “nul n’est sensé ignorer la loi”.
Pour aller plus loin: Vers une reconnaissance officielle ?
Demande du 14/02/2019
Publiée dans le JO Sénat du 14/02/2019 (page 790)
M. Jean-Raymond Hugonet attire l’attention de M. le secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé sur l’absence de certification professionnelle en hypnothérapie. L’hypnothérapie est une technique thérapeutique qui commence à devenir populaire et reconnue en France. Selon un des syndicats de la profession, il existerait 6 000 hypnothérapeutes en France. L’Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale (INSERM) a, par ailleurs, relevé une vingtaine d’applications thérapeutiques de l’hypnose : applications relatives au traitement des addictions, au domaine préventif, au domaine sportif, etc. Cependant, l’hypnose thérapeutique si elle est mal pratiquée peut avoir des conséquences peu ou prou néfastes pour le patient. C’est pourquoi les hypnothérapeutes représentés par leurs syndicats demandent au Gouvernement de reconnaître un socle de connaissances, de compétences et de formation afin de réguler la profession et de donner plus de visibilité au consommateur sur cette pratique et ses praticiens. Aussi, ils souhaitent savoir si le Gouvernement envisage d’inscrire une certification professionnelle en hypnothérapie au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP).
La réponse du Ministère des Solidarités et de la Santé (14/02/2019)
La demande d’enregistrement de la certification “hypnothérapeute” au Registre national de la certification professionnelle (RNCP) a fait l’objet d’un refus au motif de la différentiation entre l’hypnose dit “de mieux être” et l’hypnose à visée médicale. En effet, le contenu du dossier déposé auprès de la Commission nationale de certification professionnelle (CNCP) a montré que l’usage du terme d’hypnothérapeute peut laisser à penser pour le public la réalisation d’un diagnostic et la mise en œuvre d’un protocole de soins propre au corps médical. De même, le spectre des domaines pouvant être abordés par l’hypnothérapeute est large et recouvre certains champs qui sont habituellement traités par la médecine conventionnelle (état dépressif, douleurs chroniques, mal-être sans causes précises, burn-out, sevrage en hypnotique…). Au regard du contenu de l’organisation et de la durée des formations académiques sur plusieurs années en matière de médecine conventionnelle, la durée des formations menant à la certification d’”hypnothérapeute confirmé” ont fixées à vingt jours, selon le site internet de l’organisme qui a sollicité la certification. Ainsi, cette activité ne saurait se distinguer d’un métier relevant du champ médical dont elle pourrait constituer un complément d’activités. Dans ce prolongement, la jurisprudence de la Cour de Cassation dans un arrêt du 9 mars 2010 précise que l’exercice notamment de l’hypnose dans un cadre autre que médical s’apparente à l’exercice illégal de la médecine (n° 09-81.778 de la chambre criminelle du 9 mars 2010). En conséquence, cette certification ne répond pas aux exigences posées par l’article R. 335-17 du code de l’éducation qui exige un métier à part entière. Toutefois, notamment dans le cadre hospitalier, l’hypnose reste une pratique qui a toute sa place dans la prise en charge soignante. Des études scientifiques basées sur une démarche scientifique académique en ont par ailleurs reconnu l’utilité médicale pour certaines pathologies (rapport de l’Inserm intitulé : “évaluation de l’efficacité de la pratique de l’hypnose” établi en juin 2015).
D’autres demandes ont été effectuées en ce sens depuis 2018, et les réponses du gouvernement restent identiques. Il est donc nécessaire de poursuivre les actions qui permettront d’obtenir une reconnaissance officielle de la part de l’Etat.